Sommet d'Abuja janvier 2005

Publié le par Christian Bailly-Grandvaux

DES ÉMISSAIRES DE MBEKI CHEZ SORO
RETOUR AU GOUVERNEMENT, DATE DU DDR :  
Des perspectives de sortie de crise se dessinent  après la rencontre de l’Union africaine.
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Source: N'Cho Jean
C’est le Président Gbagbo qui l’a annoncé hier à son retour d’Abuja

 Retour annoncé des rebelles au gouvernement Abuja pourrait donner un coup d'accélérateur au processus de paix en Côte d'Ivoire. L'unanimité est désormais faite sur la médiation de Thabo Mvuyelwa Mbeki. Le 4ème sommet de l'Union africaine (UA) au Centre international des conférences à Abuja (30-31 janvier 2005) a pris fin hier sur le feu vert de la communauté internationale au médiateur de l'UA. Kofi Annan, Secrétaire général de l'ONU, a clairement exprimé son soutien au Président sud-africain. Le Chef de l'Etat nigérien Mamadou Tandja, président en exercice de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), est sur la même longueur d'onde que Kofi Annan. Au cours du tête-à-tête qu'il a eu avec Laurent Gbagbo, hier matin à Abuja, il a réaffirmé également son appui à la médiation de Mbeki. Selon des indiscrétions, il aurait affirmé que la CEDEAO laisse carte blanche au Président sud-africain, de sorte que l'organisation sous-régionale pourrait s'opposer aux interférences de certaines puissances dans le règlement de la crise ivoirienne.

Ainsi, le Président ivoirien a rencontré, hier, à deux reprises son homologue sud-africain, au Centre international des conférences avant la cérémonie de clôture. En deux jours de sommet, cela faisait la troisième fois que Laurent Gbagbo et Thabo M. Mbeki avaient des séances de travail dans un strict huis clos. Dans la présentation de sa feuille de route devant ses pairs africains, le Chef de l'Etat sud-africain a fait le point de sa médiation dans la crise en évoquant les avancées et les obstacles inhérents à toute négociation qui se dressaient sur son chemin. Alors que les autres points de sa feuille de route avaient trouvé solution dans leur application sur le terrain, il s'est particulièrement appesanti sur deux écueils: les activités gouvernementales et le désarmement des combattants. Sur le premier point, la feuille de route qui a eu l'assentiment de toutes les parties en conflit, prévoit le "retour de tous les ministres dans le gouvernement de réconciliation nationale dans deux semaines". Mais depuis décembre dernier, les ministres issus de la rébellion continuent dans le boycottage des activités gouvernementales. Aux questions de sécurité qu'ils évoquent par l'intermédiaire de Soro Kigbafori Guillaume, Thabo Mbeki s'est dit prêt à trouver des solutions. Aussi, les a-t-il invités à réintégrer l'équipe de Seydou Elimane Diarra au prochain Conseil des ministres qui se déroulera la semaine prochaine. Sur la délicate question du désarmement, le Président sud-africain a eu la caution du Secrétaire général de l'ONU qui a dit que le dépôt des armes est irréversible. Et pour battre le fer pendant qu'il est chaud, une mission d'experts se rend ce mardi à Bouaké pour déterminer avec les Forces nouvelles les modalités pratiques de la mise en œuvre du processus DDR, qui était prévu s'achever dans quatre mois (soit en avril prochain), selon la feuille de route.

En dehors de Tandja et Mbeki, le Chef de l'Etat a aussi rencontré les Présidents Abdoulaye Wade du Sénégal et John Agyekum Kufuor du Ghana. Avec Kufuor, c'était leur première entrevue depuis sa réélection à la tête de l'Etat ghanéen. Laurent Gbagbo effectuera dans les tout prochains jours une visite d'amitié et de travail au Ghana. Signalons que le référendum a représenté le sujet tabou de ce sommet. Personne n'en a parlé et personne n'en a soufflé mot comme si la cause était entendue ou si des arrangements politiques étaient en cours. 

Option Le ver est dans le fruit   Au sommet d'Abuja, Alpha Oumar Konaré a mis les pieds dans le plat. Il a, sans ménagement, fustigé les pays africains qui entretiennent des "filières de mercenaires" et ceux, occidentaux (européens et américains) qui arment les mouvements d'opposition. Car, des trois conflits africains qui, en ce moment, font la Une des journaux, deux, les crises ivoirienne et congolaise, sont le résultat de déstabilisation à partir de pays voisins. Mais en n'appelant pas un chat un chat et en ne prévoyant pas de sanctions d'exclusion ou de suspension contre les Etats coupables, le président de la Commission de l'Union africaine n'a, semble-t-il, agi que par acquit de conscience. Dans une interview au quotidien français Le Figaro, Idriss Deby, le Président du Tchad, a reconnu que la partition actuelle de la Côte d'Ivoire pose incontestablement le problème des frontières héritées de la colonisation. A sa création en 1963, l'Organisation de l'Unité africaine (OUA, défunte mère de l'Union africaine) a déclaré ces frontières intangibles et posé le respect de cet héritage comme une sacro-sainte règle. Les organisations sous-régionales qui ont fleuri, lui ont emboîté le pas en préconisant ou signant toutes des accords de non-agression. Pourtant, l'Afrique reste le continent où, parce que l'instabilité règne à l'état endémique, les putschs et autres coups d'Etat n'émeuvent plus personne. La raison est simple: autant tout flatteur vit aux dépens de celui qui l'écoute, autant les accords conclus n'engagent que ceux qui veulent les respecter. Et comme les querelles de leadership, la guerre des générations et les conflits d'intérêt ne cessent d'opposer les Chefs d'Etat africains, tous les engagements sont violés. Impunément. A la vérité, la plupart des résolutions des sommets africains relèvent davantage de profession de foi que de convictions réellement partagées par les uns et les autres. Résultat, rares sont les Etats africains qui honorent les règles de bonne cohabitation et de bon voisinage de sorte que l'intangibilité des frontières reste encore une vue de l'esprit. L'Union africaine veut mettre bon ordre dans ce capharnaüm. Mais, en ne s'engageant que sur un futur pacte de non-agression, le sommet d'Abuja vient d'avouer que le ver est dans le fruit et que le retour de la paix n'est pas pour demain en Afrique.

FERRO M. BALLY Envoyé spécial à Abuja (Nigeria) Laurent Gbagbo : Président de la République à son retour d’Abuja “ Maintenant que le DDR commence”  

• Monsieur le Président, vous revenez d'Abuja encore plus jovial que d'habitude ? (Rire) D'abord, Abuja est une ville agréable. Ceci dit, nous venons de participer à une réunion ordinaire de l'Union africaine. Depuis la dernière rencontre qui s'est tenue à Addis-Abeba, nous avons décidé de nous réunir deux fois par an au lieu d'une. Maintenant, ce ne sera plus au mois de juillet qu'il y aura une réunion, ce sera en janvier et en juillet. Ce sommet est donc le premier que nous tenons en janvier. Les réunions de janvier seront principalement axées sur le renouvellement du mandat ou l'élection d'un nouveau président de l'Union africaine; et dans le mois de juillet, on va débattre des questions en profondeur. Cette fois-ci, comme c'est la première fois, nous avons décidé de reconduire le mandat d'Obasanjo, pour un an à compter de maintenant. Il sera donc le seul président à faire un an et six mois. Voilà la raison essentielle. Ceci dit, je sais ce que vous voulez! (rire). Nous avons passé en revue les questions de l'heure. Sur les crises, c'est surtout le Darfour qui a retenu l'attention, parce que c'est la principale crise. Il y a eu le Conseil de paix et de sécurité qui a rendu compte de la réunion de Libreville. Ce Conseil a interrogé le Président Thabo Mbeki, médiateur de l'Union africaine pour la Côte d'Ivoire, qui a dit qu'il n'avait pas de nouvelles données et d'un nouvel exposé à faire. Sauf que, demain mardi (ndlr : aujourd'hui), il envoie une délégation en Côte d'Ivoire, pour discuter de deux choses avec les éléments de la rébellion: Avoir une date pour leur retour immédiat au gouvernement, c'est la première des choses. Deuxièmement, avoir une date pour le retour du DDR (désarmement, démobilisation, réinsertion, ndlr). Avoir une date et prendre les moyens pour qu'à cette date-là, le DDR commence effectivement. Il y a eu d'autres contacts pour renforcer l'effectif sur le terrain, pour appliquer la sécurité et faire exécuter le DDR. Mais cela, je pense que lui-même en reparlera, quand il le souhaitera. Donc pour la Côte d'Ivoire, cela a été les principales avancées. Nous avons eu des contacts multiples. Nous avons fait une petite réunion avec Kofi Annan, Obasanjo, Thabo Mbeki et moi-même. Nous avons fait le tour de la question ivoirienne. Nous nous sommes mis d'accord sur ce qu'il fallait faire et sur ce qu'il fallait éviter. Ensuite, j'ai rencontré le nouveau président de la CEDEAO, pour m'assurer qu'il était dans les bonnes dispositions. Il m'a assuré que sur sa conduite, la CEDEAO s'alignait derrière l'initiative Mbeki et qu'il était prêt à faire tout ce qui était en son pouvoir, selon ce que Mbeki demanderait de faire.  

• Que peut-on retenir de cette réunion informelle que vous avez eue? Il n'y avait rien de spécial, c'était pour vérifier si chacun jouait son rôle pour la sortie de crise en Côte d'Ivoire. Il faut savoir que maintenant, tout le monde est convaincu qu'on est sur le point de sortir de la crise. Et donc, chacun cherche ses marques. Il faut donc resserrer les boulons, il faut voir si chacun joue son rôle…Obasanjo m'a demandé ce que moi, personnellement, je dois faire; je lui ai dit ce que je pensais que lui devais faire. Kofi Annan m'a aussi dit qu'il s'occupait de trouver de l'argent et des moyens pour que nous ayons 1200 personnes supplémentaires. Thabo Mbeki a redit que c'était sa feuille de route et rien que sa feuille de route… Bon, ce sont ces questions-là que nous avons passées en revue; parce que nous savions bien que nous n'allions pas en discuter en profondeur en plénière. Puisqu'il y avait le Darfour qui était très important et il n'y avait rien de nouveau, spécialement.  

• Est-ce qu'Abuja est revenu sur la résolution de Libreville notamment sur la question du référendum? Mais, qui sont ceux qui racontent ces histoires? Abuja a reconduit purement et simplement…Et vous lirez la déclaration d'Abuja. D'ailleurs, il n'y a même pas eu de débat sur la Côte d'Ivoire. Personne n'est intervenu sur la Côte d'Ivoire. Alors, comment est-ce que dans une réunion où personne n'est intervenu sur un sujet, peut-on revenir sur ce sujet-là? De toute façon, vous avez un collègue qui a filmé la conférence de presse de Kofi Annan. Il montrera à la nation cette conférence de presse et vous verrez. Personne, personne… Il n'y a même pas eu de débat sur la Côte d'Ivoire.  

• Et au sujet de la liste des 95 personnes? Personne n'a parlé de liste. Ni à moi, ni à un autre. J'ai eu un tête-à-tête avec Kofi Annan… Vraiment, j'ai été surpris d'attendre dire qu'on parlait de ça. En tout cas, si on en a parlé, ce n'est pas à la conférence où j'étais (rire). C'est peut-être ailleurs, mais pas à la conférence des Chefs d'Etat où j'étais.  

• Les Ivoiriens peuvent-ils retenir, au sortir de ce sommet, que le désarmement aura lieu bientôt? Je vous avais dit que je ne parlerai plus d'espoir. Le disant, j'avais en tête de faire tout ce que moi j'avais à faire. Et j'ai fait tout ce que j'avais à faire. Donc maintenant, la discussion, c'est entre Thabo Mbeki et la rébellion! En tant que Chef d'Etat d'un pays hôte, quand il vient, je le reçois; lorsque ses gens viennent, je mets tout à leur disposition pour qu'ils ne manquent de rien. Mais je n'ai plus de problème! Donc maintenant, on attend que le DDR commence. On attend la date du début du DDR. C'est ce que lui-même attend, c'est ce que la communauté internationale attend, c'est ce que tout le monde attend. Tout le reste, c'est de la distraction.   Propos recueillis par Michèle Pépé Focus Les principales résolutions du sommet   Voici les principales résolutions du quatrième sommet de l'Union africaine, qui s'est tenu dimanche et lundi à Abuja, la capitale du Nigeria. Ces "décisions", prises par les ministres des Affaires étrangères en Conseil exécutif, ont été approuvées par les chefs d'Etat.

• Fusion de la Cour africaine des droits de l'Homme et des peuples avec la Cour de justice de l'UA: le Conseil demande que le projet soit présenté à sa session du sommet de juillet 2005 et "invite tous les Etats membres qui ne l'ont pas encore fait à signer et à ratifier, ou à adhérer, au Protocole relatif à la Charte africaine sur la création d'une Cour africaine des droits de l'Homme et des peuples et le Protocole relatif à la Cour de justice de l'Union africaine".

• Evaluation des objectifs du Millénaire pour le développement (OMD): le Conseil "soutient avec force l'élaboration d'une position africaine commune", il "demande à la Commission de coordonner les activités et de jouer un rôle de premier plan dans le processus d'élaboration de la Position africaine commune, en étroite collaboration avec les Etats membres, le secrétariat du NEPAD, la Commission économique des Nations unies pour l'Afrique (CEA), les Communautés économiques régionales (CER) et la Banque africaine de développement (BAD).

•Négociations de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en cours: le Conseil "recommande l'adoption rapide d'une approche sur le règlement de la question du coton sur la base des résultats de la réunion de concertation tenue à Bamako les 12 et 13 janvier 2005 (...), l'examen rapide de la question des subventions agricoles et l'adoption d'une Position commune africaine sur les produits de base d'une manière générale". Il "accepte l'offre de l'Egypte d'abriter une réunion au Caire en mai 2005 pour discuter des moyens de relever les défis auxquels sont confrontés les pays africains producteurs de coton".

• Sur la réforme des Nations Unies (représentation au Conseil de sécurité): le Conseil "décide de mettre sur pied un comité ministériel de 15 membres", et "décide que le comité tiendra une réunion du 20 au 22 février 2005, qui sera suivie d'une session extraordinaire du Conseil exécutif en vue d'adopter la position de l'Afrique". Il "accepte avec gratitude l'offre du Royaume du Swaziland d'abriter la réunion du comité des 15".

• Accréditation de la Communauté d'Afrique de l'Est: le Conseil "recommande à la conférence la reconnaissance de la Communauté de l'Afrique de l'Est et par conséquence son accréditation en tant que communauté économique régionale de l'Union africaine.   Sur les candidatures africaines aux postes dans le système international: le Conseil "décide d'appuyer les candidatures" du Dr Mohamed Elbaradei (Egypte) pour sa réélection au poste de directeur général de l'Agence internationale de l'energie atomique, et du ministre mauricien des Affaires étrangères, du Commerce international et de la Coopération régionale, au poste de directeur général de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Il soutient la candidature du Ghana pour le siège non-permanent alloué à l'Afrique de l'Ouest au Conseil de sécurité de l'Onu pour 2006-2007, en remplacement de l'Algérie. Il soutient aussi celle de Madagascar au Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOCC) et de la Côte d'Ivoire pour une réélection au Comité des programmes et de la coordination (CPC) et au Conseil du développement (CDC) de l'Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI).    Il soutient enfin celle du Niger au Conseil d'administration du Programme alimentaire mondial (Pam) pour la période 2005-2007.   AFP  

Publié dans Union Africaine

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