LAmorce dun Authentique Volontarisme Sud-Sud et Africain ?
19/01/2005
Lors de la 59ème session de lAssemblée générale de lOrganisation des Nations Unies, le discours du Président Thabo Mbeki, sans effets dannonces tonitruants, porte un regard lucide sur les priorités du monde vues par lorganisation et ses acteurs dominants, sur la prise en compte toute relative des besoins des plus faibles. Ce discours permet de comprendre limplication sud-africaine dans laccès des populations déshéritées à une meilleure représentativité au sein des instances de décisions des Nations Unies, afin quelles disposent dun pouvoir réel de faire passer leurs plaintes au rang de priorités collectives impérieuses, au même titre que le terrorisme, lIrak, la Palestine Extraits. Dans la Déclaration du Millénaire, nous avons eu recours à des mots porteurs pour résumer notre réponse face à ces problèmes. Nous avons dit, je cite : « Il est de notre responsabilité collective de défendre les principes de dignité humaine, déquité et dégalité au niveau mondial. En tant que dirigeants, nous avons ce devoir envers tous les êtres humains, et plus particulièrement, envers ceux qui sont les plus vulnérables, comme les enfants, à qui lavenir appartient ». Nous avons aussi ajouté : « Nous sommes résolus à instaurer une paix juste et durable partout dans le monde, conformément aux objectifs et principes tinscrits dans la Charte ». Puis, « Nos efforts pour que la mondialisation soit un processus équitable et puisse inclure tout le monde doivent conduire, à léchelon mondial, à des politiques et à des mesures qui correspondent aux besoins des pays en développement et des économies en transition et qui soient formulées et appliquées avec leur participation effective ». Nous nous sommes également engagés à « ne ménager aucun effort pour tirer nos semblables hommes, femmes et enfants- de lextrême pauvreté, phénomène abject et déshumanisant Nous sommes résolus à faire du droit au développement une réalité pour tous et à mettre lhumanité tout entière à labri du besoin ». Nous ne pouvons quêtre daccord sur le fait que nous avons dit tout cela. Nous tomberions tout aussi daccord sur le fait que nous pensions ce que nous disions. Je pense aussi que ce ne sont pas là les seules questions sur lesquelles nous parlerions dune même voix.
Je suis sûr que si nous disons à ceux qui sont touchés par la violence et la guerre que ce que nous avons fait est un bon début vers linstauration dune paix juste et durable dans le monde entier, ils ne nous croiront pas. Je suis tout aussi sûr que si nous disons à tous ceux qui se couchent, le soir, le ventre vide, que ce que nous avons fait est un bon début vers la mise à labri du besoin de lhumanité tout entière, ils ne nous croiront pas non plus.
Je voudrais aussi faire remarquer que la vision de dignité humaine, déquité et dégalité pour tous dans le monde, telle que nous lavons énoncée dans cet imposant forum il y a quatre ans, semble, aux yeux des êtres ordinaires qui souffrent de la faim et de la guerre, un beau rêve dont la réalisation ne peut être que différée. Cela signifie t-il que, lorsque nous avons fait ces promesses, nous ayons délibérément menti à des milliards dêtre humains ordinaires ? La réponse est évidemment NON ! Avons-nous parlé ainsi tout simplement parce quil est plus facile de parler ainsi ? La réponse est à nouveau NON ! Il me semble que la réponse à cette question se trouve dans le fait que nous navons pas encore sérieusement traité les questions qui touchent à lexercice du pouvoir et à ses abus. Hier, le Secrétaire Général, Monsieur Kofi Annan, a parlé avec éloquence du code dHammourabi, vieux de trois mille ans. Il disait que ce code avait marqué une étape décisive dans la lutte de lhumanité pour instaurer un ordre dans lequel la force ne ferait plus loi mais la loi ferait force ». Nous avons bien compris que le Secrétaire Général, à sa manière élégante, attirait notre attention sur la question centrale du jour, à savoir celle de lexercice du pouvoir et de ses abus ! La société contemporaine se caractérise par un déséquilibre profond dans la répartition du pouvoir. Ce pouvoir est détenu et exercé par des êtres humains. En tant quêtres humains, les plus puissants ont beaucoup en commun avec les plus déshérités, à savoir le besoin de manger, de boire, dêtre protégé des éléments, daimer, de rire, de jouer, de vivre. Mais la vie se charge de nous apprendre que cest cela, et cela seulement, que les êtres humains ont en commun. En effet, le reste, les relations que nous avons les uns envers les autres, dépend de laccès plus ou moins grand que nous avons au pouvoir et à lexercice du pouvoir. Cest sans peur dêtre contredit que jai précisé un peu plus haut que nous étions tous daccord sur le fait que nous allions recevoir le rapport du panel à haut niveau sur les menaces, les défis et le changement. Bon nombre dentre nous, lorsquils se sont adressés à cette assemblée, ont à juste titre attiré notre attention sur un grand nombre de cas de terrorisme et de guerre auxquels nous sommes tous opposés. Ils ont cité les attentats terroristes qui ont frappé les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie et les victimes africaines et américaines qui en ont résulté, la catastrophe du 9 septembre 2001 qui sest abattue sur cette ville, les actes terroristes perpétrés en Indonésie, en Arabie Saoudite, au Maroc, en Espagne, en Israël, à Gatumba au Burundi, à Beslan dans la Fédération de Russie et ailleurs. Ils ont, avec raison, attiré notre attention sur la violence des conflits qui déchirent la République Démocratique du Congo, le Burundi, le Soudan, la Palestine, Israël, lIrak, lAfghanistan, la Tchétchénie, lAbkhazie, le sud de lOssétie, etc., ainsi que sur dautres problèmes non résolus, tels que lauto-détermination pour le Sahara Occidental, qui réclament tous des solutions. A la fois les puissants et les faibles seront daccord sur le fait que la communauté internationale doit agir de concert pour affronter avec succès ces problèmes, ainsi que la menace et le défi que constituent le terrorisme et la guerre. Cependant, les puissants auront une conviction supplémentaire, à savoir que le terrorisme et la guerre sont la menace centrale, le défi principal auxquels la civilisation doit faire face. Ils en arriveront à la conclusion que, et cela presque par définition, les terroristes les visent eux parce quils sont puissants et que, par conséquent, ils nont pas dautre choix que celui didentifier le terrorisme comme la menace centrale et le défi principal quils doivent affronter et auxquels ils doivent répondre. A la fois les puissants et les faibles seront certainement tout aussi daccord sur le fait que la pauvreté, le besoin et le sous-développement sont des problèmes graves qui doivent être traités. Un très grand nombre de ceux qui se sont déjà adressés à cette assemblée ont, à juste titre, attiré notre attention sur la réalité de la misère dont continuent de souffrir des milliards dêtres humains. Ils nous ont aussi rappelé, entre autres choses, que certains pays étaient aujourdhui plus pauvres que ce quils étaient il y a dix ans. Ils ont attiré notre attention sur le fait quil est pratiquement certain que nous ne pourrons point atteindre les Objectifs de Développement du Millénaire que nous nous étions fixés il y a quatre ans. A la fois les puissants et les faibles sont daccord et seront daccord sur le fait que la communauté internationale doit agir de concert pour redresser la situation et, par conséquent, répondre au défi et à la menace que constituent la pauvreté et le sous-développement. Toutefois, les faibles, qui sont les pauvres de ce monde, auront la conviction supplémentaire que la pauvreté et le sous-développement constituent la menace centrale et le défi principal que la civilisation doit affronter et surmonter. Toutefois, parce quils nont pas le pouvoir, ces milliards dêtres humains, qui forment lécrasante majorité de cette même humanité qui a besoin de manger, de boire, dêtre protégée des éléments, de rêver, daimer, de rire, nauront pas la possibilité de convaincre cette organisation, décrite de manière dérisoire dans la Déclaration du Millénaire comme « lorganisation la plus universelle et la plus représentative du monde », et de traduire leurs conclusions en injonctions obligatoires, émises par cette Organisation, que tous les Etats membres devront accepter et mettre en uvre. Si, pendant un bref instant, nous refusons de céder à la tentation de parler sous forme de paraboles, ce que nous faisons dordinaire par peur dêtre punis si nous disons la vérité, nous devrons alors dire que tout cela aboutit à une réalité simple et frappante qui est le reflet de la répartition du pouvoir et des richesses dans notre société actuelle. Les riches et les puissants se sentent, à juste titre, mortellement menacés par le fanatisme des terroristes. Ils ont le pouvoir de répondre à ce danger présent et immédiat avec toute la puissance dont ils disposent et, parce quils sont puissants, ils ont aussi la possibilité de décider pour lhumanité tout entière que la menace principale quils affrontent représente la menace principale pour toute lhumanité. Il est tragique de constater que, parce quils sont pauvres, ils nont pas les moyens de répondre à ce danger présent et immédiat. Ils nont pas non plus le pouvoir de décider pour toute lhumanité que la menace principale quils affrontent représente la menace principale pour toute lhumanité, les riches et les puissants y compris. Dans la Déclaration du Millénaire, nous parlons du besoin de mettre en uvre, à léchelon mondial, des politiques et des mesures qui correspondent aux besoins des pays en développement et aux économies en transition et qui soient formulées et mises en uvre avec leur participation effective ». Nous nous sommes rassurés, ou peut-être illusionnés, en pensant que cette Organisation était «lorganisation la plus universelle et la plus représentative du monde», en ayant peur de nous poser la question de savoir si elle létait vraiment . Chaque année, nombreux sont ceux dentre nous qui viennent, et qui continueront de venir, dans cette grande ville pleine de vie, pour plaider, de cette tribune, la cause des déshérités de la planète, en espérant que cette fois leurs voix seront entendues. Puis, chaque année, quelques jours plus tard, nous reprenons notre sac et retournons vers la réalité de nos sociétés, dont la misère nous saute encore plus aux yeux après la splendeur de New York et la majesté de ce lieu quest le siège des Nations Unies. Puis, des résolutions sont passées. Puis, nos représentants permanents, Ambassadeurs aux pouvoirs extraordinaires et plénipotentiaires, nous informent que les résolutions nous obligent à agir pour contrecarrer les desseins mortels des groupes terroristes. Puis, nos Ambassadeurs nous informent quun autre appel a encore été lancé tant aux puissants quaux faibles pour leur demander de répondre volontairement aux cris des déshérités de la planète. Excellence, Monsieur le Président de lAssemblée Générale, votre présidence de la 59ème Assemblée Générale est source de fierté et dinspiration pour nous, car nous savons que vous ferez face à vos obligations comme un digne fils des déshérités de la planète le ferait. Nous sommes touchés par le fait que vous ayez compris, comme votre prédécesseur Julian Hunte, ce qui doit être fait pour que les Nations Unies deviennent vraiment « lindispensable maison commune de la famille humaine tout entière ». Comme un Israëlien nous disait il y a quinze jours à Pretoria, il est peut-être maintenant temps pour nous les faibles et les déshérités dabandonner nos fauteuils roulants pour commencer à marcher tout seuls, sans laide de personne. Peut-être est-ce ainsi que nous parviendrons à construire cet ordre social dont Hammourabi et Kofi Annan parlaient, et dans lequel le droit, et non plus la force, fait loi. |