Deuil national après la mort du président togolais

Publié le par Christian Bailly-Grandvaux

Deuil national après la mort du président togolais

[06 février 2005]


«La tragique disparition du président a plongé l'ensemble du peuple togolais dans l'angoisse et la tristesse», déclare le texte, signé du Premier ministre et chef du gouvernement, Koffi Sama.  
(Photo AFP) 

 

Le gouvernement togolais a officiellement décrété aujourd'hui un «deuil national» de deux mois «sur toute l'étendue du territoire» togolais, suite à la mort samedi du président Gnassingbé Eyadéma, indique un communiqué du gouvernement.

«Le gouvernement décrète à compter de ce jour, 6 février 2005, un deuil national de deux mois, au cours desquels les drapeaux seront mis en berne sur toute l'étendue du territoire national», selon un communiqué.

«La tragique disparition du président a plongé l'ensemble du peuple togolais dans l'angoisse et la tristesse», déclare le texte, signé du Premier ministre et chef du gouvernement, Koffi Sama.

Le président togolais Gnassingbé Eyadéma, 69 ans, est mort samedi, après un règne sans partage et controversé de 38 ans, alors qu'il était évacué du pays pour raison médicale, et l'armée a immédiatement annoncé «confier» le pouvoir à un de ses fils, s'attirant la réprobation de l'Union africaine.

L'UA et le secrétaire général de l'Onu ont appelé les autorités togolaises à respecter la procédure de succession constitutionnelle, qui prévoit un intérim du président de l'Assemblée nationale et l'organisation d'une élection présidentielle dans les 60 jours.

Le Premier ministre Koffi Sama a annoncé la mort du général Eyadéma à 19H00 (locales et GMT), lisant un communiqué à la radio nationale: «Le Togo vient d'être frappé par un grand malheur. Il s'agit d'une véritable catastrophe nationale. Le président n'est plus».

Le général Eyadéma est décédé «alors qu'il était évacué d'urgence pour des soins à l'extérieur du pays», selon le texte, sans préciser vers quel pays.

Moins de deux heures plus tard, le chef d'état-major des Forces armées togolaises (FAT), le général Zakari Nandja, intervenait à la télévision pour annoncer que l'armée décidait de «confier» le pouvoir à Faure Gnassingbé Eyadéma, un des fils du président défunt, né en 1966 et ministre de l'Equipement et des Mines.

La télévision a ensuite montré le chef d'état-major saluant Faure Gnassingbé Eyadéma, et disant: «Nous déclarons vous servir loyalement à partir de cet instant». Les principaux officiers supérieurs des forces armées ont également été montrés lui faisant allégeance.

La Constitution togolaise prévoit qu'«en cas de vacance de la présidence de la république par décès (...), la fonction présidentielle est exercée provisoirement par le président de l'Assemblée nationale» et l'organisation d'une élection présidentielle «dans les soixante jours de l'ouverture de la vacance».

Le président de l'Assemblée, Fambaré Natchaba Ouattara, membre du parti présidentiel Rassemblement du Peuple Togolais (RPT), devait regagner le pays depuis Paris par un vol d'Air France qui a été dérouté sur le Bénin voisin, où il est arrivé samedi dans la soirée.

Le gouvernement avait ordonné le bouclage immédiat des «frontières terrestres, maritimes et aériennes».

Le président de la Commission de l'UA, Alpha Oumar Konaré, a qualifié de «coup d'Etat militaire» la désignation de Faure Gnassingbé Eyadéma, appelant au «respect des règles constitutionnelles».

Le président nigérian Olusegun Obasanjo, président en exercice de l'UA, a lui aussi affirmé que l'organisation «n'acceptera aucune transition non-constitutionnelle».

Il a «encouragé le peuple togolais à réclamer le respect de la Constitution nationale concernant le pouvoir intérimaire au Togo, qui aboutira à l'élection démocratique du président du Togo conformément à la Constitution».

Le secrétaire général de l'Onu, Kofi Annan, a de son côté appelé les autorités togolaises à «prendre toutes les mesures pour préserver la stabilité dans le pays et assurer une transition pacifique et conforme à la Constitution et à la légalité».

Dans un communiqué publié avant l'annonce du chef d'état-major, le président français Jacques Chirac a exprimé sa «profonde tristesse» après le décès d'un «ami de la France (et) ami personnel».

La situation était calme samedi soir dans la capitale Lomé, où aucun déploiement militaire n'était visible, alors que radio et télévision diffusaient en boucle des chants religieux.

A Paris, le principal opposant togolais, Gilchrist Olympio, a déclaré qu'il souhaitait que la mort d'Eyadéma permette au Togo de «se mettre sur le chemin de la démocratie», appelant à «des élections transparentes et libres dans les deux, trois prochains mois». M. Olympio vit en exil à Paris depuis une tentative d'assassinat contre lui en 1992.

Le général Eyadéma, selon lui, est «mort d'une crise cardiaque dans l'avion qui le transportait en Israël pour des soins».

Gnassingbé Eyadéma, qui avait pris le pouvoir le 13 janvier 1967 par un coup de force, faisait partie du dernier carré des «dinosaures» politiques africains, à la stature imposante et apparemment inamovibles.

Ancien officier de l'armée française, il dirigeait le Togo avec fermeté et son régime a été régulièrement accusé de violer les droits de l'Homme.

Réélu en 1979, 1986, 1993 et 1998, il avait été cependant contraint, après des émeutes en mars 1990, d'ouvrir le dialogue avec l'opposition et d'accepter le multipartisme.

En 2001, il avait assuré qu'il quitterait le pouvoir en 2003 conformément à la Constitution, avant de faire modifier cette dernière et de se faire réélire pour un troisième mandat en juin 2003.

Il était né le 26 décembre 1935 à Pya (nord) dans une modeste famille paysanne protestante de l'ethnie Kabyé.

Il a été la cible d'au moins sept complots ou tentatives d'attentats, dont deux impliquant des mercenaires en 1977 et 1986.

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