Centrafrique, Tchad, Côte d’Ivoire : Guerres françafricaines, protectorat et schizophrénies politiques

Publié le par Pierre Prêche

Centrafrique, Tchad, Côte d’Ivoire : Guerres françafricaines, protectorat et schizophrénies politiques 

Article paru sur Afrikara.com
16/12/2006

Depuis la période coloniale, malgré le savant habillage de mots creux et la phraséologie verbeuse si ce n’est haineusement coloniale des éditorialistes comme Stephen Smith, la France , la Françafrique est présente militairement en Afrique dite francophone pour y faire régner sa loi. Rien de moins, et les justifications, le luxe d’opérations médiatiques, telles que les enquêtes du juge Bruguière, celles sur les assassinats de «journalistes» plutôt d’agents secrets à couverture journalistique [?], ne servent que le dessein de fabriquer aux yeux d’une certaine opinion nationale et internationale, une bricole de légitimité à des guerres de protection du pré carré.

 

 

2006 aura été une année fournie dans le domaine des guerres françafricaines. Le discours politique ambiant sur le désengagement, le non-interventionnisme français avait déjà pris du plomb dans l’aile avec l’opération militaire en Côte d’Ivoire, celle qui avait concédé le Nord du pays à des rebelles et protégé cette partition du territoire dans le but de déloger un président insuffisamment françafricain, culminant avec la tuerie volontaire de dizaines de civils ivoiriens par des soldats français, entre autres brigandages, affaires de mœurs douteuses et meurtres de citoyens ivoiriens.

 

 

Désormais la même France officielle qui fait des Africains immigrés la source de toutes ses difficultés économiques domestiques, libérant, cautionnant et subventionnant via ses médias de service public l’incrustation d’un discours ouvertement raciste, prolongé par un lexique politique, intellectuel infériorisant associé aux Noirs, s’estime en devoir d’intervenir pour la paix en Afrique. Sans trop le crier sur les toits, et dans une discrétion des grands médias et partis politiques qui frise le vol démocratique et la collusion des françafricains. La cause étant si juste, pourquoi en faire la publicité …

 

 

Comme au Rwanda, dans l’ex-Zaïre, bien avant au Biafra, ou au Cameroun, au Tchad depuis les années 60, les soldats français parcourent le continent africain, sans que la représentation parlementaire, la démocratie réelle puisse se saisir des enjeux politiques et géopolitiques. La république ne saurait s’offrir le luxe de traiter des Africains, de l’Afrique, comme s’il s’agissait d’un continent comme les autres, soumis à la règle de la décision majoritaire, des processus normaux de consultation populaire.

 

 

D’un côté la France soutient des régimes qui servent globalement les intérêts françafricains -pas nécessairement français-, en France, au Gabon, au Tchad, en Centrafrique, au Togo, etc. et leur accorde une onction démocratique en entraînant la «Communauté internationale» à cautionner des élections truquées et sans représentativité, de l’autre elle s’oblige à engager des opérations militaires contre des rebellions qui ne sont que le revers logique des exécutifs impopulaires qu’elle installe … Cohérence.

 

 

A coup de tirs de Mirage, de frappes aériennes, de forces spéciales, d’hélicoptère puma comme en Centrafrique en décembre 2006, les troupes françaises font bien plus que de l’assistance, elles mènent des guerres authentiques, pour «sécuriser» le joyau françafricain. Quels enjeux ?

 

 

L’Afrique centrale, le Golf de Guinée regorge de pétrole et les découvertes de gisement se succèdent, et la France souhaite au moins limiter sa perte d’influence. Il est par ailleurs connu que l’ancienne métropole existe au niveau international non pas par rapport au Proche Orient, ou à la Russie , mais en grande partie par rapport à l’Afrique qui lui permet d’avoir une position un tant soit peu écoutée. Elle perdrait cette rente géopolitique qu’elle reviendrait à sa dimension réelle de puissance moyenne européenne. Perspective qui insupporte sa classe politique très bonapartiste sur cette question, malade d’une certaine idée de la France. On se demande bien de laquelle, et surtout de quels moyens elle se donne pour s’y conformer …

 

De plus, la montée en puissance de la Chine dans toute l’Afrique et en particulier en Afrique centrale, au Cameroun, en Angola, au Congo-Brazzaville, au Soudan, créé une panique inimaginable auprès des décideurs français.

 

C’est ainsi que l’on comprend la réponse osée du ministre français de la défense à une question d’actualité posée au Sénat -14 décembre, -information diffusée par l’APPA- : « La Chine est aujourd'hui un nouvel intervenant sur le continent africain. Elle est, après la France , le deuxième partenaire commercial de l'Afrique. La Chine y recherche les ressources dont elle a besoin pour son développement, et qu'elle n'a pas sur son territoire. Elle y recherche également des débouchés pour ses activités ainsi qu'une influence politique.

 

Cela ne nous dérange nullement qu'un grand pays comme la Chine vienne contribuer au développement de l'Afrique qui en a besoin, et c'est bien là l'essentiel. Mais cette intervention doit effectivement se faire dans des conditions claires, des conditions qui encouragent la démocratie et le développement économique. Nous attirons l'attention de la Chine sur le fait que nous constatons trop souvent l'utilisation d'armes chinoises dans des conditions et des situations parfois contraires aux embargos.»

 

On ne sait pas s’il faut en rire ou en pleurer, de voir la France donner des leçons de morale à la présence chinoise en Afrique, l’exhortant à encourager la démocratie et la paix, comme elle-même ne cesse de le faire depuis un demi siècle au moins, par coups d’Etats, assassinats de leaders nationalistes, cautions aux Eyadema père et fils, Sassou Nguesso, Biya, ou Deby !

 

Le plus fin c’est l’éthique de la France en Afrique selon Alliot-Marie ministre de la défense : «Ce que nous voulons, c'est assumer notre responsabilité vis-à-vis de ce grand continent. Notre responsabilité est d'associer le maximum de pays pour répondre à notre ambition de faire de l'Afrique un continent où la paix et le développement économique permettent enfin aux Africains d'avoir de véritables perspectives d'avenir. Voilà notre éthique. Elle est conforme à la politique que la France a toujours menée à l'égard de l'Afrique.». Bref sans que personne ne lui ait rien demandé la France , toujours trop généreuse, d’après ses hagiographes autorisés meilleure élève de l’aide internationale en volume, estime avoir la responsabilité du développement économique et de la paix en Afrique, et les Africains ne sont même pas au courant ! Et Bolloré, Bouygues, Total, les valises de financements occultes des campagnes électorales, les intérêts n’ont pas leur droit de cité dans ce grand dessein où ne manque que l’écologie, et l’altermondialisme. Bizarre pour une éthique dont l’auteure se réclame du Gaullisme, qui lui, a été une affirmation permanente de la primauté des intérêts de la France dans le monde. Trouvez l’erreur.

 

 

Pierre Prêche

Publié dans Francafrique

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