Bénin : Pour accéder à l’emploi : Le chemin de croix des jeunes diplômés

Publié le par Source : L’Araignee

 
Garanti par la constitution du 11 décembre 1990en son article 8, l’égal accès des citoyens a l’emploi n’est pas pour autant une réalité palpable chez nous. Nombre de jeunes, diplômés d’universités, d’écoles de formation technique et professionnelle, ou artisans, n’arrivent toujours pas à décrocher leur première embauche, ou à monter des structures pour s’auto employer. Et dire que ce ne sont pas les idées qui leur manquent ! En effet, si les idées et les projets foisonnent dans leurs têtes, s’ils ont généralement la compétence, le capital nécessaire pour le démarrage, lui, n’est pas souvent disponible, de même que des atouts non officiels leur manqueraient pour réussir aux concours de recrutement tant publics que privés. Descente dans le labyrinthe que constitue le monde de l’emploi au Bénin

Si des chiffres sont souvent avancés à tort ou à raison pour apprécier l’ampleur du chômage dans notre pays, le premier recensement national des chômeurs déclarés et primo demandeurs d’emploi au Bénin, réalisé en 2005 et dont le rapport d’analyse a été déposé courant octobre de la même année, vient clarifier la situation, tant il offre l’avantage de chiffres précis. Ainsi, sur la base de ce rapport, on retient qu’à l’issue de l’enquête, 18227 individus en situation de chômage ou de sous emploi, toutes branches confondues, ont été enregistrés. Il ressort également de ce rapport, que c’est surtout dans les rangs des jeunes et des hommes que le chômage sévit, quoique les femmes ne soient pas épargnées. En effet, les 20-30 ans représentent 48,03% des demandeurs, les 20-40 ans s’élèvent à 85,91%, et les hommes en général, à 87,3%. « Mais ce chiffre de 18227 demandeurs d’emploi doit être nuancé », explique Christophe Migan, Directeur du Département de l’Observatoire de l’Emploi et de la Formation à l’Agence nationale pour l’Emploi (ANPE). Pour lui en effet, « s’il faut considérer le mot chômeur dans son sens strict, impliquant un individu sans travail, à la recherche de l’emploi et disponible à l’instant, ceux qui remplissent ces trois conditions simultanées se chiffrent à 2948 seulement, soit un taux global de chômage, au plan macro de 0,7%.Ce qui voudrait dire que le problème de chômage ne se pose pas concrètement au Bénin ». Mais, quel que soit leur nombre, les jeunes en quête d’emploi se trouvent dans une situation stressante et préoccupante. Ils ne baissent pas pour autant les bras. Si certains comptent sérieusement sur les concours de recrutement dans la fonction publique, convaincus que seul l’Etat peut leur garantir une sécurité absolue, d’autres considèrent cette formule comme un pis aller et préfèrent le privé ou les projets qui offrent de meilleures conditions salariales, si ce n’est qu’ils se battent carrément pour s’auto employer. Dans un cas comme dans l’autre, décrocher un boulot apparaît bien souvent comme un parcours du combattant au cours duquel leur optimisme et leur détermination seront éprouvés, leurs charmes sollicitées dans le cas spécifique des filles. Mais il en faut plus pour décourager ces guerriers d’un genre particulier.

Des fortunes diverses...

Depuis que l’Etat a recommencé à recruter des fonctionnaires, la tendance qui s’observe est que beaucoup de jeunes préfèrent se fier à la fonction publique. Nantis de diplômes académiques, ils sont nombreux à guetter les annonces de recrutement lancées par l’Etat. Un tour à la devanture du ministère de la Fonction publique, permet de s’en convaincre. Mais leurs fortunes sont diverses dans la quête. Xavier Z., licencié en géographie, vient de consulter les résultats du dernier concours. Son nom ne figure pas sur la liste des admis et il se lamente : « cela fait la quatrième fois ! ». Comme lui, d’autres sont carrément devenus des abonnés aux concours. Autant de fois ils les ont passés, autant de fois ils ont échoué. En cause, sans doute pas toujours leur incompétence... Ils dénoncent les considérations ethnico-politiques ou affairistes qui entreraient en ligne de compte pour la réussite. Et, sans que cela soit forcément la seule raison, on ne niera pas que ces dernières années, les choses ne se sont pas toujours passés en toute équité. Aussi, n’en pouvant plus d’aller à ce pèlerinage, espèrent-ils néanmoins qu’avec le nouveau régime, il y aura plus de justice. « Maintenant, on attend les concours de l’ère Boni pour voir. On espère que les choses vont changer », confient deux autres "abonnés" aux concours et aux tableaux d’affichage du ministère de la Fonction publique.

Mais, les « combines » au niveau de l’administration publique, ne sont pas seules en causes dans le malheur de ces jeunes. Dans le privé, certaines grosses entreprises mènent aujourd’hui une politique qui consiste à recruter essentiellement les enfants ou parents de leur personnel. Ce qui constitue une injustice pour les autres demandeurs.

Par ailleurs, le fameux critère de l’expérience acquise, souvent exigé est un facteur d’exclusion des primo demandeurs. Aussi, ne comprennent-ils pas cette exigence scélérate, puisqu’il faut bien commencer à travailler quelque part pour acquérir l’expérience.

En outre, bien que l’on croit généralement qu’elles sont les plus favorisées, les femmes en quête d’emploi ne sont pas moins soumises à des contraintes. Lise T., diplômée de l’Ecole nationale d’économie appliquée et de management a déjà eu la chance d’être sélectionnée sur dossier. A l’entretien, elle s’entend dire par le directeur du projet : « mademoiselle, le salaire de base est 120.000 FCFA. J’ai la possibilité de vous payer plus ou moins. Le reste dépend de vous... ». Sibyllin, le message n’en est pas plus clair. La jeune fille a préféré poursuivre sa quête. Une autre fois et devant un autre pourvoyeur d’emploi, elle sera expressément invitée à offrir ses charmes. Face à son refus, son vis-à-vis lui jettera à la figure : « allez demander à votre père de vous créer votre entreprise ». Persévérante, elle a fini par avoir un poste. Mais, à sa différence, combien de filles ont dû payer le droit de cuissage avant d’obtenir un emploi... ?

Enfin, cette situation met mal à l’aise les parents qui, ayant investi pour la formation de leurs enfants, se voient obligés de les entretenir après l’obtention de leurs parchemins. Marius Z., titulaire d’un BTS en comptabilité explique qu’il a dû se livrer pendant un certain temps, à la pose de pavés sur les chantiers dans une ville du Nord du pays, pendant que Paul A. maître en droit, s’est livré à la conduite de Zémidjan. « La situation était devenue si stressante que j’étais même prêt, malgré mon diplôme, à travailler contre 20 ou 25 mille FCFA le mois » confie ce dernier. Ce faisant, ils entendaient tous ne plus dépendre de leurs parents. D’ailleurs, la réaction de Norbert AHISSOU, fonctionnaire retraité, témoigne de ce que ressentent ces parents de diplômés sans emploi : « J’ai trois enfants qui, plusieurs années après la fin de leurs études, n’ont toujours pas réussi à se procurer un boulot. Je ne peux pas les ignorer. Mais chaque fois que je les vois rentrer à la maison, j’ai une grosse gêne doublée d’inquiétude. Car je me demande a priori quel problème ils vont encore me poser... ».

Mille idées dans la tête et... le capital en moins

A la différence de ceux qui voient la fonction publique comme un eldorado, d’autres jeunes n’entendent pas s’y aventurer. Pour eux, c’est un pis aller et, s’ils devraient se résoudre à y aller, ce serait pour s’en servir comme d’un tremplin, en attendant mieux. Non seulement ils ne croient plus en l’Etat providence, mais en plus, pour eux, l’idéal, c’est de se mettre à son propre compte ou de travailler dans des structures privées. A cet effet, ils ne manquent pas d’idées. Jules K. est le responsable d’un groupe de dix jeunes de même profil académique, baptisé « l’heureux dix ». Ils sont diplômés en comptabilité et gestion. Débordant d’optimisme, ils refusent de se considérer comme « diplômés sans emploi », et préfèrent se faire appeler « diplômés cherchant emploi ». Leur tactique consiste à se cotiser pour acheter des journaux et y consulter les avis de recrutement dont les plus intéressants, soutient Jules, ne passent pas toujours sur les antennes des radios. Ensuite, ils vont déposer des demandes d’emplois, par groupes de trois ou quatre, au même endroit espérant que l’un d’eux sera retenu. Cela a déjà permis à quatre d’entre eux d’être recrutés et de venir souvent en aide aux autres en attendant leur tour de chance. Chaque mois, le groupe change de responsable car ces jeunes croient que l’étoile de celui qui est en tête peut être déterminante pour trouver des opportunités. Gildas est couturier. Son père lui a offert une machine à coudre au moment de sa libération. Le jeune homme est ambitieux et rêve d’un grand atelier. Avec deux autres amis couturiers dont les parents de l’un sont relativement aisés, ils ont pu obtenir un prêt dans une institution de micro finance, avec une parcelle du père fortuné en garantie, pour ouvrir un atelier de grand standing. Aujourd’hui, soit cinq ans après, ils ne se plaignent pas d’avoir « osé ». Dans le même ordre d’idées, Albertine G., ingénieur agronome et quatre de ses condisciples ont monté un projet de ferme. Mais les conditions d’obtention de crédit sont trop contraignantes à leurs yeux. En attendant, ils se contentent de « petits boulots » et, régulièrement, se cotisent pour acheter des tickets de la loterie, avec la foi qu’un jour, ils emporteront le gros lot. Alors, leur projet sera réalisé... Comme on peut s’en apercevoir, les jeunes en quête d’emploi ne manquent pas d’ingéniosité. Seulement, le capital ne suit pas toujours.

Promouvoir un fonds d’aide à l’auto emploi

Si les pays développés connaissent des taux de chômage plus ou moins élevés, si le plein emploi n’existe nulle part au monde, on est cependant surpris d’observer dans les pays sous développés, comme le nôtre, qu’il y a des chômeurs, alors qu’il y a tant à faire. Cette situation préoccupante appelle sans nul doute, des actions hardies de la part de l’Etat, en vue de favoriser l’accès des jeunes à l’emploi via des crédits spécifiques ou des conditions incitatives au secteur privé. En effet, l’Etat pourrait offrir des conditions d’imposition préférentielles aux entreprises ayant un grand nombre d’employés, à partir de 20 par exemple, afin de réduire leurs charges fiscales liées aux salaires. De même, et ceci aura certainement plus d’impact dans la lutte contre le chômage et donc contre la pauvreté, un fonds spécial pourrait être créé pour favoriser la création d’entreprises. De façon pratique, il s’agira de dégager chaque année, dans le budget national, un crédit de un milliard FCFA par exemple, qui servira à lancer des groupes de jeunes qui voudraient se mettre à leur propre compte. Ceux-ci, auparavant, se seraient regroupés par affinité ou par filière de compétence pour monter des projets bancables. Les prêts ou les subventions leur seront consentis, ils exerceront pendant un certain temps, 3 ou 5 ans avant de se voir assujettis aux impôts ou au remboursement. Cela favorisera l’esprit d’équipe, permettra aux entreprises de bien s’enraciner avant de contribuer à la constitution de la richesse nationale ; en même temps qu’il infléchira les données relatives au chômage.

Source : L’Araignee

 

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