Sommet de Prétoria sur la crise ivoirienne - Les grands oubliés de Thabo Mbeki

Publié le par Christian Bailly-Grandvaux

L'intelligent d'Abidjan - 3/28/2005 4:09:13 PM

Dans une correspondance adressée au président Gbagbo, au Premier ministre Seydou Diarra, aux présidents du PDCI, Henri Konan Bédié et du RDR, Alassane Ouattara, et au secrétaire général des Forces nouvelles, Guillaume Soro, le médiateur sud-africain dans la crise ivoirienne, le président Thabo Mbeki, annonce son intention d'organiser à Prétoria, un mini sommet d'urgence sur la crise ivoirienne. Le constat majeur est que de grands acteurs des accords de Marcoussis et des agitateurs de la rue abidjanaise n'ont pas été invités. Ce qui fait déjà planer un vent de contestation sur les futures ententes entre les " 5 grands ", Laurent Gbagbo, Henri Konan Bédié, Alassane Ouattara, Soro Guillaume, Seydou Diarra, du médiateur de l'Union africaine. Décryptage.





" … Je crois que le temps est venu pour les leaders principaux du peuple ivoirien de se rencontrer et de trouver un accord à propos d'un programme d'actions commun qui va nous permettre d'atteindre tout ce qu'il nous faut atteindre et d'avoir comme convenu des élections au mois d'octobre 2005 ". C'est ainsi que le président Thabo Mbeki s'est adressé aux principaux acteurs de la crise ivoirienne, pour justifier le mini sommet de Prétoria sur la crise ivoirienne, le 3 avril prochain.

Quel sort sera réservé aux résultats du prochain sommet de Prétoria sur la crise ivoirienne ? Bien avant le démarrage des travaux, un vent de contestation plane déjà sur les conclusions des assises de Prétoria. Raison, des acteurs des accords de paix de Linas Marcoussis du 24 janvier 2003 et des irréductibles de la rue abidjanaise ont été mis sur la touche par le médiateur sud-africain.

Au nombre de ces grands oubliés, le Front populaire ivoirien (FPI), l'Union pour la démocratie et pour la paix en Côte d'Ivoire (UDPCI), le Parti ivoirien des travailleurs (PIT), l'Union démocratique et citoyenne (UDCY), le Mouvement des forces d'avenir (MFA).



Affi N'Guessan, Mamadou

Koulibaly, Charles Blé Goudé

Modérés et faucons FPI out !

Le président du parti au pouvoir et le président de l'Assemblée nationale représentent les modérés et les faucons du FPI. Ils ont, tous les deux , participé à la table ronde de Paris sur la crise ivoirienne, qui a débouché le 24 janvier 2003 sur la signature des accords inter ivoiriens de paix de Linas Marcoussis. M. Koulibaly avait claqué la porte de cette rencontre, pour dénoncer ce qu'il avait qualifié de " coup d'Etat constitutionnel ". Son message avait été relayé ensuite par le " ministre de la rue ", Charles Blé Goudé, qui a fait de la lutte contre les accords de Linas Marcoussis, son cheval de bataille. Entre modérés et faucons du parti présidentiel, Thabo Mbeki a choisi la prudence. Il a donc préféré la proie à l'ombre. C'est le chef d'orchestre, lui-même, qui représentera le parti au pouvoir à la rencontre de Prétoria. Le président Laurent Gbagbo ne pourra pas soutenir comme à Marcoussis qu'il ne se sent lié par un quelconque accord parce qu'il ne l'a pas signé.

De l'avis de nombreux observateurs de la vie publique, les accords de Prétoria pourraient se heurter à la réticence de la branche radicale du parti au pouvoir. Car, Affi N'Guessan, Mamadou Koulibaly et Charles Blé Goudé s'affichent, désormais, comme des acteurs incontournables dans la résolution de la crise ivoirienne.

Sur la question, le médiateur sud-africain s'est fait une conviction. "Comme leaders, chacun de nous représente une partie de la population ivoirienne et de l'opinion ivoirienne. Par le principe important de l'inclusion, nous sommes convaincus d'amener nos groupes de supporters à un règlement qui aidera la Côte d'Ivoire à revenir à une situation normale. Il est donc clair que personne de nous n'a un intérêt dans l'affaiblissement de l'autre, dans la réduction des capacités de l'autre et qu'il faut diriger nos contingents, supporters et sympathisants vers la solution dont nous avons besoin ", argumente-t-il dans une récente correspondance aux " 5 grands ". Laurent Gbagbo possède-t-il la poigne nécessaire pour contenir ses va-t-en guerre ? En cela, la rencontre de Prétoria constitue un véritable test.



Akoto Yao, Anaky Kobenan

Les feuilles mortes du G7

La coordination des partis politiques pour l'application des accords de Linas Marcoussis (G7) sera représentée à Prétoria par l'opposition armée des Forces nouvelles et l'opposition civile (le PDCI d'Henri Konan Bédié et le RDR d'Alassane Dramane Ouattara). Présents lors des négociations de Paris, l'UDPCI et le MFA ne participeront pas aux travaux de Pretoria. Et pourtant, au sein du G7, l'UDPCI et le MFA sont très actifs. Le parti du président contesté, Paul Akoto Yao paie, à coup sûr, le prix des querelles de positionnement internes, qui ont considérablement affaibli l'héritage politique de feu le général Robert Guéï et porté un sérieux coup à sa crédibilité. En ce qui concerne le MFA d'Anaky Kobenan, force est de reconnaître que depuis la table ronde parisienne, le parti du ministre d'Etat, ministre des Transports, n'a rien entrepris pour s'imposer comme une force politique qui compte dans le paysage sociopolitique ivoirien. En dehors des déclarations, parfois intempestives dans les médias, le Mouvement des forces d'avenir ne s'est pas véritablement fait sentir sur le terrain. Ce qui pourrait expliquer sa non sélection par Thabo Mbeki.



Francis Wodié et Théodore Mel

A bas les courtisans !

Le constitutionnaliste Francis Wodié ne sera pas du conclave de Prétoria sur la crise ivoirienne. Et pourtant, comme sentant venir la menace, le président du Parti ivoirien des travailleurs (PIT) a multiplié des sorties dans les médias sur le vide constitutionnel, après octobre 2005. Toute chose qui a donné un semblant de vitalité au parti des " travailleurs ". Dans la réalité, depuis la signature des accords de Linas Marcoussis, le PIT n'a rien fait ou presque, pour défendre ces accords. Pire, le parti du Pr Wodié, tout comme l'UDCY de Théodore Mel, a quitté la plate-forme de l'opposition qui a pour objectif, "l'application dans l'esprit et la lettre " de ces accords de paix. Dans la réalité, depuis janvier 2003, le Pr Wodié était plus préoccupé par sa survie à la tête du parti qu'il a créé. Et ce, grâce aux prébendes que sécrètent ses deux femmes liges (parmi lesquelles son épouse Victorine Wangah Wodié) du gouvernement de réconciliation nationale. La menace Kabran Appia n'a été, finalement, qu'une tempête dans un verre d'eau. Francis Wodié, au prix d'un tour de passe-passe de doyen, a mis fin au cours d'un congrès, au rêve de l'ancien ministre des Transports de conduire les destinées du PIT. La résolution de la crise, ayant été reléguée, pendant un certain temps au second plan, le PIT ne sera donc pas à Prétoria.

Quant à Théodore Mel, il continue de jouir des bienfaits de Linas Marcoussis. Ministre d'Etat, ministre de l'Intégration africaine, ministre par intérim des Sports et Loisirs, l'ancien maire de Cocody ne va pas effectuer le déplacement de Prétoria. Depuis son retrait du G7, Théodore Mel a pris le parti de défendre les institutions de la République. Un point, c'est tout. La résolution de la crise ivoirienne ? Il la voit désormais par le prisme du président de la République. Ce qui fait dire à certains observateurs, ironiques, "mais qu'attend donc Mel pour prendre sa carte du FPI ." Etant donné que le président Gbagbo sera présent dans la capitale sud-africaine, Thabo Mbeki a décidé de ne pas s'encombrer de courtisans au long cours.

Tout compte fait, le président Thabo Mbeki a décidé d'aller à l'essentiel : l'organisation des élections en octobre 2005, seul gage de sortie durable de crise. Autour de l'actuel parti au pouvoir, le FPI, se greffent l'ancien parti au pouvoir, le PDCI et le parti aspirant au pouvoir d'Etat, le RDR, soutenu par les Forces nouvelles de Guillaume Soro. L'accord parfait de ces contraires est le Premier ministre, - qui peine désormais à accorder des protagonistes aveuglés - Seydou Elimane Diarra. Thabo Mbeki a ainsi planté le vrai décor de la guerre. Il ne reste plus qu'à ouvrir les débats. Les vrais. Sans fioritures.

Vicky Delore

Publié dans Les politiciens

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